lundi 30 mars 2015

VERONIQUE LAFONT : J’AI RAREMENT PERDU MON REGARD A CE POINT (Sandra Detourbet)



Chère Véronique LaFont, nous ne nous connaissons pas encore très bien.
Je crois que je vais tenter d'écrire un texte autour de la subtilité délicate de tes palettes et de la simplicité de tes particules élémentaires. Il y a un sujet qui me tient à cœur depuis longtemps sans que je sache vraiment le cerner distinctement.
Pour l'instant il y en a plusieurs en un et en m'appuyant sur ta peinture, je voudrais démêler cela.
Le premier sujet est la question de la légèreté.
Si une œuvre comme celle de Bonnard ou la tienne évoque la douceur de vivre, certains étouffent devant la saturation de vos couleurs, mais on ne peut pas dire que vous dérangez ! Et c'est ce qui me plait, cette forme de réserve et de discrétion dans le propos ; laissant la peinture agir pour ce qu'elle est, rien de plus.
Ensuite tu as la question du beau.
Il n'est pas interdit de vouloir regarder quelque chose d'harmonieux même si aujourd'hui, la légitimité accordée à un acte esthétique pose davantage la question de la justification de la fonction de l’art… Comprendre le monde dans lequel nous vivons et auquel nous appartenons pour pouvoir agir concrètement. Face au grand règne matérialiste et technologique, il est vain de vouloir rivaliser.
Le collectionneur d'art, lui, s’intéresse à quelque chose d'autre qui échappe souvent à l'artiste lui-même. Le regard du collectionneur… Cette expérience est rare et précieuse et surtout elle est cruciale. J’insiste. Ce sont ces gens-là qui sont les poumons de la création. Ils offrent à l’artiste un espace vierge de toute obligation. Carte blanche ! Libre à toi de t’exprimer sans endosser la culpabilité collective d'une civilisation en déclin. Place à une recherche où ton magnifique talent est au service d’une donnée inconnue. Un point d’ancrage neutre. La passerelle que tu établis entre toi et le monde, cet endroit-là, il devient le tien comme le nôtre. C’est en ce sens-là que tes peintures sont réelles pour moi. Elles agissent, sous mon regard, bouleversent la chimie qui me gouverne et le temps se suspend. J’ai rarement perdu mon regard à ce point et je pourrais comparer cela à un retour à une forme d’insouciance.
Et la question du nouveau…!
Celui ou celle qui échappe à son époque est un moyen de transport collectif vieux comme le monde dirais-je. Oui, tu es contemporaine de toute une manière de voir et de peindre. En ce sens tu portes en toi un questionnement qui ne t'appartient pas fondamentalement mais que tu as « intégré ». Je ne crois pas au système de la table rase à tout bout de champ car si le contexte détermine un acte, lorsqu'il se perpétue hors de ce contexte, sa raison n'est plus la même. Et l'héritage que tu portes, tes fondements profonds sont à mon sens la seule valeur indiscutable. Tu es libre d’absorber et de transformer. En un mot, tu portes la nature et le secret de ses couleurs comme je l’ai rarement vu. Je suis profondément sincère. Si tu veux bien, si je te parle d'esprit dans ta peinture, au risque de passer pour une mystique, il s’agit là pour moi de l’alchimie de tes couleurs. Quoi que tu échafaudes ce qui me touche au-delà de tout, ce sont tes palettes, qui s'imposent de manière naturelle, l'air de presque rien. Le « juste ce qu’il faut ».

2 commentaires:

  1. Tu as raison Sandra, la peinture de Véronique est de très grande qualité et ton texte reflète toute cette délicatesse à la fois dans la composition et dans les couleurs. Une très belle peinture! Bravo Véronique!

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  2. Merci Gérard. D'autant + touchée par les commentaires d'artistes dont j'estime le travail !

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