mercredi 30 mai 2018

CATHERINE CROZON : LA PORCELAINE COMME UN VOYAGE INTERIEUR (Hugues Bourgeois)

Déambuler parmi les œuvres, c’est déjà sans les toucher, expérimenter la douceur fragile de la porcelaine. C’est aussi la caresse sur l’œil des couleurs entraperçues à l’intérieur des pièces. La blancheur du dehors, la couleur du dedans. 

Et nous, à côté, avec cette sensation forte d’être dehors  avec le désir d’être dedans. Pour être protégé. Les yeux ne suffisent pas à explorer l’œuvre, encore faut-il la prendre en main, expérimenter sa légèreté qui touche à l’immatérialité. 
`La main aide l’œil à explorer la vie intérieure de ce qui se donne à voir, de la part secrète qui se dérobe à notre regard. Nous sommes confrontés à la lumière elle-même, à la fois visible et invisible. 
Les formes évoquent des êtres vivants, des coraux, des végétaux, pouvant venir de très loin, à travers le temps, l’espace. Ou de très près, de notre corps même, d’organes sublimés au sens propre, passant de l’état solide à l’état gazeux de la porcelaine translucide. 
En fermant les yeux, on se prend à imaginer un voyage intérieur, en déambulant dans une de ces porcelaines, immense et chromatique, de pièce en pièce, de couleur en couleur, nos doigts d’enfant glissant sur les parois de cette matrice protectrice et fantastique.

vendredi 18 mai 2018

LAURENT DELAIRE : LA LUMIERE SOUSTRACTIVE DE L’ECLIPSE (Hugues Bourgeois)

Lumière réactive, créative. Les œuvres marquent l’œil, et comme par réflexe,  les pupilles se dilatent pour s’accommoder à la pénombre,  la mémoire  se souvient du noir profond des origines, une nuit dense et sans étoile cerne les bords de la toile et s’avance vers le centre de l’espace. 
De loin, le noir semble fragile, poudreux comme du graphite sur lequel on pourrait souffler pour révéler plus largement encore au centre le paysage lumineux. Le noir est dense et immobile, dans un équilibre subtil avec la lumière. 
C’est comme une éclipse en plein désert. On crie « Fiat lux ! ». La lumière est douce, sépia, elle résiste au noir, forte de son immobilité. Equilibre spatial, équilibre temporel. Un temps suspendu s’invite dans l’espace : crépuscule ou point du jour ? La nuit tombe-t-elle ? Le jour se lève-t-il ? L’œil avance pour savoir, pour explorer l’espace, pour écouter les sons qui pourraient en dire plus. Au centre, il y a quelque chose sur lequel le regard se pose. Pyramide ? 
Tente ? Oasis ? L’humanité est là, devant nous, elle nous appelle, elle nous attend. Il y a aussi la prédelle et ses messages écrits dans une langue inconnue qui pourraient résoudre l’énigme. L’intelligence est elle aussi suspendue dans une impossible lecture qui rajoute au sentiment d’étrangeté de l’œuvre. Toute volonté de compréhension est annihilée par nos sens suspendus à la contemplation. La toile a la force mystique d’une véritable Œuvre au noir et nous offre l’alchimie de nous connecter à nous même.





CECILE LEROY : «FRAGMENTS» (Nathalie Lecroc)


Cécile LEROY
Son téléphone à bout de bras, Cécile capture des fragments de son corps, des entrelacements de bras et de genoux, des boucles et des courbes qui sont autant de fragments d’humeurs. Le cliché est spontané, le cadrage serré et la photo est ensuite abimée.

Elle délaisse la netteté, les contrastes maitrisés et les images lisses pour faire confiance au hasard et à l’intuition. La lumière qui enveloppe ses fragments corporels révèle l’humeur de l’instant : la douceur d’une main, la placidité d’un œil, le jeu de jambes, la chaleur d’une gorge... Elle lève le voile et se livre. Avec pudeur toutefois, car les griffures, les filtres et les taches, sur la photo, obstruent la perception. Ils suggèrent la faille et la pudeur du photographe.

Comme une riposte aux selfies des réseaux sociaux qui donnent à voir beaucoup et tout le temps, son projet singulier est un mélange hétéroclite de réalité brute et de poésie. Une matière hybride qui nous invite à l’intimité et à l’introspection.